Alors qu'une fraction de députés s'apprête à quitter la majorité pour participer à la création d'un nouveau groupe à l'Assemblée nationale, le remuant élu du Val-d'Oise reproche au parti macroniste de ne pas avoir su "dépasser ses frontières", comme le PS avant lui.
D'aucuns diraient que c'était devenu inéluctable. Les plus remontés - et ils sont nombreux - l'accusent d'avoir fait le constat qu'il ne serait jamais nommé secrétaire d'État par Emmanuel Macron. Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, le député du Val-d'Oise Aurélien Taché annonce qu'il quitte La République en marche. Il en va ainsi donc pour le parti macroniste tout comme, "très certainement", son groupe majoritaire à l'Assemblée nationale.
"En 2017, j'ai quitté le Parti socialiste parce qu'il n'était pas capable de dépasser ses frontières. Aujourd'hui, je quitte LaREM exactement pour les mêmes raisons", explique-t-il au JDD.
"Parti utilitariste"
D'après l'ancien militant PS, dont le parcours politique a côtoyé celui d'actuels cadres de la macronie tels que Sacha Houlié ou Pierre Person, "le mouvement n'a pas été capable de construire un corpus idéologique, de trouver des convergences avec d'autres partis ou des alliés au sein de la société".
"Le mouvement est totalement isolé et se mue en parti utilitariste, qui propose, pendant la crise, des documents pour expliquer comment se laver les mains ou qui s'engouffre dans le solutionnisme technologique pour tracer les Français", raille Aurélien Taché.
Autre pierre d'achoppement, mais qui guette depuis des mois en réalité: le fait que LaREM se soit droitisée d'après lui.
"L'ouverture ne s'est faite que vers la droite. La promesse de LaREM était de réunir des progressistes de gauche et de droite et d'abandonner les conservatismes. Aujourd'hui, les conservateurs sont aussi dans la majorité. On l'a vu sur la question de l'accueil des réfugiés, qui reste pour moi une grande déception", développe-t-il.
Tournant écologique
Le "tournant" qu'Aurélien Taché souhaite voir LaREM prendre est à la fois écologique et social. Il appelle à "revaloriser très franchement les carrières et les salaires des soignants et donner une priorité absolue à la santé" et à la préparation d'une "grande loi qui donnera naissance à un nouveau service public de la dépendance".
Et l'élu francilien de critiquer le vote sur la loi "anti-casseurs" de février 2019 (lors duquel il s'était abstenu) ainsi que le silence de la macronie sur "les violences policières constatées dans les manifestations et dans les quartiers populaires".
"Je ne regrette pas mon choix en 2017, je sais tout ce que je dois à Emmanuel Macron", précise-t-il en amont.
Le député du Val-d'Oise a pourtant eu maintes occasions de se distinguer des voies suivies par son chef, en particulier donc sur les questions migratoire et sécuritaire. À tel point que bon nombre de loyalistes de LaREM lui reprochent ses positions "islamo-gauchistes".
"Ou alors c'est l'idiot utile de l'extrême droite, ou alors ses prises de position faisaient du mal au groupe. Quoi qu'il en soit, bon vent à lui", tranche un député macroniste auprès de BFMTV.com.
Faire pencher LaREM à gauche
Au sujet de son appartenance à la majorité justement, Aurélien Taché manie l'équivoque. "Je quitterai très certainement le groupe", dit-il d'abord en référence au groupe LaREM, censé perdre de nouvelles troupes dans le courant de la semaine.
En effet, le neuvième groupe parlementaire censé faire son apparition à l'Assemblée nationale cette semaine - sous l'étiquette "Écologie démocratie solidarité" (EDS) - compte le député du Val-d'Oise parmi ses fondateurs.
"Si une initiative qui prolonge le jour d'après trouvait sa place à l'Assemblée nationale, j'en ferais partie. Mais rien n'est arrêté, des discussions sont en cours", assure-t-il pourtant.
Selon nos informations, Aurélien Taché fera bien partie de la dizaine d'actuels LaREM à rejoindre cette équipée. Elle s'est donnée pour objectif, en s'inscrivant en tant que groupe "minoritaire" et non d'opposition, de faire pencher plus à gauche le centre de gravité de la macronie. Sur les prochains textes préparés par le gouvernement, l'idée sera donc de convaincre une partie des élus restés dans la majorité de suivre leurs préconisations.
Problème: avec à peine plus d'une vingtaine de membres annoncés, parmi lesquels Guillaume Chiche, Émilie Cariou et Cédric Villani, sous la houlette des ex-macronistes Matthieu Orphelin et Paula Forteza, ce groupe EDS pèsera moins que les alliés du MoDem et d'Agir. Ces deux partis de centre-droit, qui à eux deux comptent 55 députés, risquent au contraire d'occuper une place plus importante d'ici la fin de la législature. Et, ce faisant, de faire dévier la trajectoire de LaREM des orientations qu'Aurélien Taché aurait souhaité lui donner